23 février
Je crois que l'intelligence et la sensibilité se coalisent, chez certains êtres, certains écrivains (eux en laissent une trace), à certains moments, et que ces deux rares qualités deviennent non pas indissociables mais une. C'est pourquoi lorsqu'ils s'émeuvent publiquement devant une violence, une injustice, une faute aveugle, leur voix soudain nous arrête.
L'écrivain japonais Haruki Murakami (nous avons parlé, le 3 février, de son recueil de nouvelles, "Saules aveugles, femme endormie") a reçu en Israël, le 15 de ce mois, le discret mais prestigieux Prix Jérusalem (pour la liberté de l'individu dans la société). Dans ses remerciements, Murakami, avec son renom humble de grand silencieux, n'a pas mâché ses mots tout en restant sobre, solennel, un peu froid, tremblant comme une feuille comme font les Japonais sous le coup d'un vif émoi: il a dit qu'il condamnait l'usage de la force. C'est tout? Oui, il n'a pas été plus précis. Il n'a pas directement évoqué la situation militaire à Gaza, on a néammoins accueilli sur place ses propos comme un désaveu. Qu'il ait mécontenté la droite israélienne sans d'ailleurs satisfaire le Hamas, peu importe, je veux saluer son courage.
Sommé par les organisations pro-palestiniennes au Japon de refuser ce prix, pour ne pas "cautionner les crimes commis par Israël", Murakami a passé outre: il s'est rendu en Israël et il a accepté l'honneur qu'on lui faisait. (Il faut savoir que le mot honneur a encore un sens au Japon). En même temps, et sans vouloir offenser ses hôtes, l'écrivain a préféré "parler plutôt que se taire". Il a délivré un discours en forme de fable d'une symbolique obscure et d'une morale flagrante sur le thème de l'0euf et du Mur. Du grand Murakami, ayant déjà franchi le pont et dévoré les fantômes, complètement allumé!
Dans la bouche d'un politique, on aurait jugé ce discours fumeux, déplacé. Là, quel pied-de-nez! C'est le coup de Montaigne, une fable, un mythe, et tout le monde ferme sa gueule devant la poésie du Gascon. Un grand silence. Rien à répliquer, sauf merci qui vaut toujours mieux que bravo. C'est la première fois que Murakami s'exprime aussi ouvertement. Il a été net sans provoquer un esclandre. Et ça aussi, c'est admirable, juste une pichenette, comme en aïkido.
J'entends sa voix. Je l'entends autrement que si c'était un professionnel de la politique ou un intellectuel. Je ne sais pas s'il a raison ou tort mais je sais qu'il dit la vérité. Sans mélange. Me revient une "pensée" de Pascal: "Chaque chose est ici vraie en partie, fausse en partie. La vérité essentielle n'est pas ainsi: elle est toute pure et toute vraie. Ce mélange la déshonore et l'anéantit. Rien n'est purement vrai; et ainsi rien n'est vrai". A chacun sa vérité? Non, la vérité quand elle est sans mélange, ça s'entend, comme par effraction; ça éclate, comme la guerre.
Un homme, une voix. C'est dérisoire sans doute mais la politique, c'est toujours une affaire d'hommes et de voix. Et la littérature une affaire d'humanité blessée.
Murakami lui-même, extrait (chronique bienvenue, M.Ferney) : "If there is a hard, high wall and an egg that breaks against it, no matter how right the wall or how wrong the egg, I will stand on the side of the egg.
Why? Because each of us is an egg, a unique soul enclosed in a fragile egg. Each of us is confronting a high wall. The high wall is the system which forces us to do the things we would not ordinarily see fit to do as individuals.
I have only one purpose in writing novels, that is to draw out the unique divinity of the individual. To gratify uniqueness. To keep the system from tangling us. So - I write stories of life, love. Make people laugh and cry.
We are all human beings, individuals, fragile eggs. We have no hope against the wall: it's too high, too dark, too cold. To fight the wall, we must join our souls together for warmth, strength. We must not let the system control us - create who we are. It is we who created the system.
I am grateful to you, Israelis, for reading my books. I hope we are sharing something meaningful. You are the biggest reason why I am here."
Rédigé par : Critiquator | 23 février 2009 à 07:39
Honneur et dignité c'est beau pour un seul homme et cela lave de bien des compromis
Rédigé par : Dominique | 23 février 2009 à 08:28
L'OEUF ET LA PERLE
Chaque oeuf cultive ses murs
Dans le jardin qu'il croit clos
Enceint qu'il est
D'un syndrome propriétaire
L'avortement donne des ailes
Aux nageoires étonnantes
Qui sapent les remparts
De fragrances d'émerveillement
Chaque oeuf crée son système
Sur des pilotis de vent
Qu'une haleine au sein pourpre
Dissout en s'éveillant
Rédigé par : gmc | 23 février 2009 à 08:36
J'ai entendu un jour Lévinas expliquer que la vérité était comme la lumière de la lampe à huile, pour qu'elle éclaire, l'huile doit être pure.
Et en ce moment, des amis d'Israel sont dégoûtés parce que leurs concitoyens ont voté pour la guerre, et qu'on est toujours l'otage des élections quand on est minoritaire.
http://anthropia.blogg.org
Rédigé par : Anthropia | 23 février 2009 à 10:14
@ Anthropia : je vous suis sur toutes les lignes... Fulgurance de Lévinas : "Le visage est ce qui nous interdit de tuer. "
Rédigé par : Christophe Borhen | 23 février 2009 à 11:09
"J'entends sa voix. Je l'entends autrement que si c'était un professionnel de la politique ou un intellectuel. Je ne sais pas s'il a raison ou tort mais je sais qu'il dit la vérité."
Il reste que l'écrivain, le poète ou l'artiste , en général, n'a que le pouvoir de dire, de montrer, de faire entendre ... Il n'a pas le pouvoir de faire. Or, tout particulièrement en Israël, c'est ce qui fait cruellement défaut, depuis un long temps désormais : des hommes politiques ayant le pouvoir de "faire", et en premier lieu, la paix, évidemment.
Rédigé par : Jean-Louis B | 23 février 2009 à 11:59
ZERO DEFAUT DE CRUAUTE
Il n'est que le poète
Qui ait le pouvoir de faire
Malgré la propension
Des mondes rustiques
A prendre l'agitation
Pour une quelconque forme d'action
Le poète seul voit
La pure action s'épanouir
En arpège admirable
Equilibriste de haute volée
Dont l'harmonie simple
Accorde tous les violons
Rédigé par : gmc | 23 février 2009 à 14:33
L'énergie du silence...
Rédigé par : Anne B | 23 février 2009 à 23:07
Le silence qui suit Anne B est toujours de Anne B...
Rédigé par : ororea | 23 février 2009 à 23:37
merci pour ce joli article :) la palestine est le seul pays arabe ou le taux d'analphabetisme et trop bas et ce pays a donné de très iminent intrelectuels arabe faut trouvé une solution a ce conflit n'oublions que nous sommes tous les descendant d'adam et eve :)
Rédigé par : paix | 15 juillet 2009 à 19:00
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Rédigé par : Dissertation Writing | 27 décembre 2009 à 13:43