16 avril
A vouloir définir l'humour, on doit surtout craindre d'en manquer! Pareil, le courage. D'ailleurs, ce n'est peut-être que cela, l'humour, comme le courage: ce qui manque, ce qui fait défaut, ce qui brille par son absence. Quoi de plus comique que cette absence-là! C'est encore ça le plus drôle!
Essayons quand même (ça, c'est mon côté casse-cou)! L'humour, c'est ce qui résiste aux douleurs, ce qui échappe à la méchanceté et à la sottise: à la mort, au tyran, à Dieu et à la canaillerie des hommes. C'est se sauver de la gravité, s'arracher à ce qui pèse: ce sans quoi le dandy n'est qu'un snob, ce sans quoi le savant n'est qu'un cuistre.
La gravité, c'est un refus de rire que tout le corps affecte: c'est à cela qu'on reconnaît le magistrat, le ministre, le policier, le médecin, le professeur, l'évêque et c'est de ceux-là qu'on rit. Cela affecte aussi l'enfant. Et parfois même l'heure - l'heure est grave! Le contraire de la gravité, qui est universelle, c'est la grâce.
L'humour, ce n'est pas l'ironie. "L'ironie est surtout un jeu de l'esprit. L'humour serait plutôt un jeu du coeur, un jeu de sensibilité", dit Jules Renard, qui pratiquait les deux. Dans l'ironie, on rit contre l'autre, voire contre soi (ou contre l'autre en soi). Ca fait un peu mal. L'humour pardonne et comprend, là où l'ironie méprise et condamne; l'humour apaise, l'ironie blesse. L'humour est un bouclier contre la mort, l'ironie est une épée contre le Mal. Le premier rassemble, l'autre sépare.
Quelques exemples pêchés dans "Le Petit Livre de l'Humour Anglo-Saxon", édition établie par Arnaud Hofmarcher (Le Cherche-Midi):
"Elle était si mignonne que nous sommes allés nous promener; au bout d'un quart d'heure j'étais tellement sous le charme que je voulais l'épouser, mais après une demi-heure, j'ai complètement abandonné cette idée et je lui ai volé son portefeuille" (1).
"Les ballerines sont toujours sur la pointe des pieds! Pourquoi n'en engagent-ils jamais de plus grandes?" (2).
"Un soir à Los Angeles, j'ai trouvé une blonde nue dans mon lit en rentrant dans ma chambre d'hôtel. Je ne mange pas de ce pain-là. Je lui ai laissé vingt-quatre heures pour foutre le camp" (3).
"Mon médecin m'a dit qu'il me restait deux semaines à vivre. J'espère que ça sera au mois d'août" (4).
"Mon meilleur ami est parti avec ma femme. Il me manque" (5).
"J'ai toujours voulu être quelqu'un. J'aurais dû être plus précise" (6).
(1) Woody Allen. (2) Robin Williams. (3) Dean Martin. (4) Ronny Shakes. (5) Henny Younman. (6) Lily Tomlin.
"La forme même des pyramides d'Egypte montre que déjà les ouvriers avaient tendance à en faire de moins en moins." (Will Cuppy)
Rédigé par : Christophe Borhen | 16 avril 2009 à 13:35
Un agrégé d'anglais qui cite en français :-)
Rédigé par : Sylvaine | 16 avril 2009 à 13:40
On pourrait dire aussi que l'humour est une respiration, qui a pour vertu, non pas de nous arracher à la gravité, mais de nous permettre de la supporter toute entière. Et puis, « Dieu » n'est pas nécessairement exactement à mettre dans le même sac que « le tyran », si j'en crois une longue et ancienne tradition (dont le récit débute dans la Bible, dont un des épisodes fondateurs est justement la libération d'un peuple du joug du tyran pour aller honorer l'Eternel dans le désert) et qui est néanmoins considéré en général comme à l'origine d'un humour très particulier, qui combat les dogmes au nom d'une foi sans « objet », c'est à dire sans idole. Je veux parler bien sûr de ce que l'on appelle l'humour juif. Oscar Wilde, qui fut longtemps friand d'inventer « des petites phrases » caustiques dans le même esprit que celles que vous citez se reprocha, après l'expérience de la geôle de Reading, de n'avoir connu durant la première partie de son existence que « le côté ensoleillé de la vie » et considéra la superficialité comme ayant été un de ses principaux défauts, parce qu'elle ne prend pas en compte la douleur du monde, parce qu'elle est incapable de sentir véritablement avec les autres, parce qu'elle est souvent l'apanage d'une certaine classe sociale, irresponsable et incapable de compassion. Ah hélas, je sens bien qu'en écrivant ceci (et en commentaire d'un billet sur l'humour s'il vous plait) je risque bien de passer pour un esprit chagrin. Que celui qui n'a jamais pleuré me jette la première pierre.
Rédigé par : Isidore de Latreaumont | 16 avril 2009 à 13:52
"L'humour, c'est ce qui résiste aux douleurs, ce qui échappe à la méchanceté et à la sottise: à la mort..."
Votre phrase, Frédéric, me fait penser à cette citation de Ionesco, "Où il n'y a pas d'humour, il n'y a pas d'humanité, où il n'y a pas d'humour, il y a le camp de concentration".
Rédigé par : Anne B | 16 avril 2009 à 15:28
Hmm, je remarque que môssieur FF manque de courage et d'humour pour me dire ce qu'il pense de mon p'tit poème d'hier...
(fan de FF c'est une ascèse)
Rédigé par : ororea | 16 avril 2009 à 15:35
Je rejoins l'idée que « l'humour serait un jeu de coeur, un jeu de sensibilité »...
Celle d'Isidore, "une respiration" qui implique une constance et une régularité pour permettre de supporter la gravité, me plaît bien.
L'humour c'est une manière d'aborder la vie pour éviter qu'elle nous déborde.
Il exige une vision aiguë du monde et de soi qui s'accommode souvent de paroles acérées.
Mais il se dévoile parfois sous la forme d'une désinvolture teintée de pudeur.
Il requiert aussi une attention à l'autre et qui dit attention dit valeur.
L'humour, c'est une forme de thérapie contre la mélancolie.
Rédigé par : Anne Burroni | 17 avril 2009 à 00:10
Mouais, pas un petit mot : m'en fous, moi je boude.
(fan de DS)
Rédigé par : ororea | 17 avril 2009 à 00:20
Vous avez bien raison,Frédéric, lorsque vous distinguez l'humour de l'ironie. On a souvent tendance à les confondre en effet, notamment quand l'un et l'autre se font féroces.
Pour moi, l'humour, c'est un peu comme pour la poésie, il y faut de la légèreté et du style. Une disposition d'esprit, certes, mais à la manière d'un entrechat, un pas de danse, sur le bord du monde.
Rédigé par : Jean-Louis B | 17 avril 2009 à 09:51
Le petit mot d'un néophyte ayant découvert un auteur qui le fait mourir de rire...une publicité peut-être déplacée mais quand même, un lien pour vous:
http://www.hugobuan.com/
Rédigé par : fan de Hugo Buan | 09 mai 2009 à 09:49