30 mars
Lu: "L'art difficile de ne presque rien faire " de Denis GROZDANOVITCH (Denoël).
"Pour moi, j'aime la vie", disait Montaigne, et c'est tout un art. Grozdanovitch est un petit Montaigne en robe de mandarin. Un stoïcien de la paresse égaré dans l'époque moderne. Un émule de Confucius avec une raquette. Il a été autrefois champion de France au jeu de paume, qui est au tennis ce que le jeu de go est aux quilles. Il aime les joutes, il déteste la course, la fièvre, la compétition. Il préfère la philosophie.
Je me souviens qu'on a joué une fois ensemble (au tennis, il y consent parfois), en double, porte d'Auteuil, on a perdu devant une équipe moins forte que nous mais terriblement motivée. Des bûcherons. Pas grave: Grozda n'était pas mécontent d'avoir très momentanément ridiculisé nos adversaires d'un lob épicurien ou d'une amortie à la Marc-Aurèle, même si ,au final, ce sont eux qui ont gagné. Mais gagné quoi? Et quelle victoire mérite qu'on perde le sourire? Ce qui sauve le dandy d'être un snob, le perdant d'être amer, c'est l'humour.
L'auteur du "Petit traité de désinvolture" persiste et signe (il ne changera pas), il suit sa pente, à rebours des maigres joies que ce temps nous inflige. Savoir se reposer, se désaccoutumer de la compétition et de la vitesse, voilà le travail. On vous incitera à courir, à acquérir, à prévoir. Non, il faut résister. Il faut apprendre à fermer les yeux et à ouvrir grand ses narines pour jouir de l'instant, profiter de la caresse furtive de l'éternité. Un vol de grues dans le ciel, un parfum, une phrase de saint Anselme ou de Tao Hsin. Ah bon? Oui, aujourd'hui sent la prune et le lilas. "Plus tard, c'est définitivement maintenant", songe-t-il.
Est-il sage ou est-il fou? Est-ce un sage qui fait le fou ou bien un fou qui fait le sage? L'art difficile de ne presque rien faire... Tout est dans le presque: Grozdanovitch a suivi dans sa jeunesse les cours de Vladimir Jankélévitch à la Sorbonne, c'est un adepte de l'infime, qui dodeline entre le "je ne sais quoi" et le "presque rien", en version taoïste. Il ne veut ni séduire ni convaincre, il a déjà un pied dans l'au-delà. Juste pour rire.
Il a l'élégance de se moquer du monde - il y a de quoi. Et il pose les bonnes questions: où est le hamac? N'est-ce pas déjà l'heure de la sieste? Mais attention, il reste vigilant: sa quête, c'est l'éveil perpétuel, pas la somnolence. Résumons: le meilleur emploi du temps, c'est le temps perdu. Question: peut-on arrêter le temps? Oui, il suffit de refuser de grandir. C'est une affaire de volonté.
Je note Grotzanovitch que je n'ai jamais lu.
(et en douce : j'ai regardé hier (seulement hier) D@ans le texte. Qu'est-ce que c'était bien ! Que du bon :-) )
Rédigé par : pagesapages | 30 mars 2009 à 13:27
Denis Grozdanovitch, ou comment fuir la tristesse stérile, se faufiler entre les mailles et les filets du désespoir, s'activer dans la contemplation et la désinvolture. Lire le bonheur, un bonheur de lire, lire Grozdanovitch c'est un plaisir.
"C'est profiter de la caresse furtive de l'éternité."
Rédigé par : Anne B | 30 mars 2009 à 14:07
Gozdanovitch, c'est à lire avec parcimonie et délectation. Ce sont ces petites lectures qui vous laissent en plan au milieu des gens pressés qui vous perdent dans toutes un monde d'infimes bonheurs qu'on n'avait jamais vus avant. C'est cette force délicieuse de la vraie littérature celle qui parle de la vie pas seulement des hommes et de leurs petites ambitions. A lire sans modérations, car c'est aussi tout plein d'humour ces petites choses-là!
Franchement mr Ferney, c'est bien ce que vous écrivez; Depuis que je lis votre blog j'ai découvert plein de choses et surtout, ce avec quoi je terrorise mon entourage et mes proches: la reine des lectrices de Alan Bennett, c'est vraiment génial et trop anglais pour ne pas être drôle!
Toutes mes amitiés littéraires sincères.
Rédigé par : geneviève | 30 mars 2009 à 17:34
J'adorerais vous voir jouer au tennis...
"Il faut apprendre à fermer les yeux et à ouvrir grand ses narines pour jouir de l'instant"
C'est quoi votre parfum pour homme préféré?
Je vous ai fait un petit poème pour fêter votre retour :
Les poings fermés
Tu affirmes tes idées
Tes mains dansent dans l'air
Comme deux oiseaux solaires
Tes mains sont velues
ô combien elles ont lu
Elles ne sont que geste précis
et chorégraphie et si
tu y vois des mains de charcutier
moi j'y vois celles d'un luthier
ô combien sensuelles
qui dessinent une musique visuelle.
Rédigé par : ororea | 30 mars 2009 à 20:42
"La poésie est l'amour inachevé du désir demeuré désir ." René Char
Rédigé par : Critiquator | 31 mars 2009 à 06:46
Le "se fauflier entre [...] les filets du désespoir" de Anne B. est délectable, surtout, n'est-ce pas, si l'on ne perd pas de vue le concept (et la réalité) du tennis.
En outre, je ne connaissais pas du tout ce Grozdanovitch (son nom, ça fait vraiment sportif ou militaire) ; aussi, merci pour ce bon d'entrée.
Ah oui, encore ceci : votre blog, FF, quand il monte au filet, (me) rend bien service. Jamais tordus, ses coups sont toujours droits, les revers (de lecture) y sont très rares, et ainsi de suite...
Rédigé par : Christophe Borhen | 31 mars 2009 à 07:56
PAUME D'HAPPY
Tout est dans le presque
Frôler c'est passer
Totalement à côté
Rester dans le plomb
Avec des semelles lestées
Sous leur apparence légère
Comme l'idée d'un amorti
Qui se transforme malicieusement
En auto-lob pour pingouin
Qui flâne sans boussole
Rédigé par : gmc | 31 mars 2009 à 11:30
"un pied dans l'au-delà"
FF
Mais il n'ira pas au-delà.
L'autre s'est égaré ici.
AO
Rédigé par : oursivi | 28 août 2009 à 14:12