15 février
Les écrivains ont toujours eu de grandes ambitions. Il leur faut des dieux, des brasiers, des chevelures. Il adorent les îles perdues, les peines de coeur, les volcans. Je sais, ils exagèrent: tel se croit le premier homme débarqué dans la lune, tel autre se prend pour Gengis Khan ou Dieu le Père. J'en connais même qui se prennent pour la fraise de Ronsard ou la robe de chambre de Balzac.
Patrick ROBINE est infiniment plus modeste: né en 1947, le jour de Noël, il a été plongeur dans un cabaret au Canada, maître d'hôtel dans un casino des Bahamas et même parfumeur. Il adore Elvis Presley, les asperges vertes et le colin froid mayonnaise - cela suffit amplement à le distinguer de François Mauriac qui a toujours préféré la lamproie à la bordelaise.
Patrick Robine, l'auteur de "La Ferme des Concombres" (La Table Ronde"), a beaucoup voyagé: il a longtemps vécu avec toute sa famille, c'est à peine croyable, dans une yourte qu'il avait ramenée de Woodstock, il a chanté le blues avec les hommes bleus dans le désert, il a traqué le trusquin et entendu le chant du corindon. Il est aussi comédien (1). Il est surtout spécialiste de la chasse à l'hippocampe terrestre de l'Atlas, reconnaissable à sa tête de chameau et à ses cornes de girafe, et qui n'est pas sans rappeler le kangourou marin du Péloponnèse. On attire l'hippocampe avec une harpe à fromage - il raffole du crottin de chavignol, quoiqu'il se nourrisse principalement de foin de mer ou d'avoine de curé. On peut aussi utiliser une sarbacane ou le piéger avec des collets de cordes à piano, si on a l'humeur musicale.
Un jour, Patrick Robine a reçu une lettre d'Eric von Stroheim lui révélant qu'il était son grand-père: "Mon cher petit bonhomme, je suis très content de t'avoir vu avec les cheveux courts. Je suis actuellement en tournage avec Jean Gabin et Pierre Fresnay et ce metteur en scène un peu mou à mon goût, Jean Renoir. Sois bien sage, je t'embrasse. Ton grand-père". C'est l'un des moments les plus émouvants du livre.
Il y a beaucoup de recettes de cuisine dans ce récit de voyage: le civet de lévrier à l'afghane (une recette de sa marraine Dany), les pattes de pingouin riz catalane, les pattes d'ours des Carpates au miel de chez Fauchon. L'un des personnages principaux est en effet Jacky de Chasseneuil, ancien chirurgien à Oyonnax devenu patron d'auberge. Difficile de l'oublier, cet amphitryon: cheveux noirs plaqués à l'huile de canard, il est tatoué de la tête aux pieds, de l'herbe pousse sur son ventre; il porte nouée autour de la taille une trompe d'éléphant encore chaude.
Quand on lit "La Ferme des concombres", on sait enfin ce qu'est une autobiographie: sincère, véridique, gourmande. En passant, Patrick Robine glisse quelques mots sur son enfance, s'attendrit un peu, puis il revient à l'essentiel: la chiffonnade d'andouille, le taboulé fermier en gelée, la gigue de poires au vin de roseau. Il écrit avec une fourchette qu'il trempe au préalable dans l'encre de calamar: on voit que c'est un élégiaque.
(1) "La Ferme des Concombres" (de et avec Patrick Robine) a été créée au Théâtre du Rond-Point à Paris, le 6 septembre 2008, dans une mise en scène de Jean-Michel Ribes qui a également préfacé l'ouvrage.
Ça c'est de "La littérature à l'estomac" ! Je me le note, merci.
Rédigé par : Loïs de Murphy | 15 février 2009 à 08:10
"La ferme des concombres" c'est rigolo comme titre; ça m'inspire, ça m'ouvre l'appétit. Déjà 11h45... vite, au fourneau.
Concombre en hors d'oeuvre et St Honoré au dessert bien sûr. Je crois que je vais me passer de plat de résistance (après la raclette d'hier soir).
Bon dimanche Frédéric Ferney.
Et merci pour votre travail, bien fait, permanent.
;o)
Rédigé par : Alistrid | 15 février 2009 à 11:20
Stroheim, mort en 1957, qui écrit à Robine, né en 1947, au moment du tournage de la "Grande Illusion", donc dans les années trente...
Rédigé par : CP | 15 février 2009 à 13:00
A l’attention d’alex,
Vous écrivez, (ou vous crachez ?) que Frédéric Ferney n’est “pas connu en-dehors de la France”. Je suis bien placée, écrivant de Casablanca, pour infirmer votre… “savoir ?”
Entre autres souvenirs, celui d’une amie libraire, ici dans ce Casablanca, se battant pour les livres, suivant fidèlement l’émission de Frédéric Ferney, le rencontrant à Tanger, pour un Salon du Livre, modeste, le Salon, oui, c’est vrai. Et modeste le Maroc. Rien à voir avec les vastes horizons et les grandes plaines.
Et je dirai : justement.
Justement, ce pays est petit. Justement, parce qu’ici les livres ne sont accessibles qu’à une minorité, les meilleurs sont préservés. Et justement encore nous avons connu le “bateau livre”, et l’avons préservé. Et tout ça pourquoi ? Vous savez pourquoi ? Parce que les émissions vraies, celles qui parlent pour dire et non celles qui disent pour parler, (comme un certain… rappellez-moi votre nom ?) se sont réduites comme peau de chagrin, alors : justement, oui, nous les avons connues. Oui, elles sont préservées. Non, elles ne sont pas oubliées. Et même la “mort” ne peut rien contre ce qui n’est plus. Parce que cela a été. Et que ça continue. Sous une autre forme. Rien ne meurt jamais. Tout se transforme. Et si vous lisiez, si vous lisiez réllement, “pour de vrai”, au-lieu de bafouiller et de bafouer, vous le sauriez.
Mesquinerie, du mot arabe “meskin”, signifie : pauvreté, indigence. Entre autres et en vrac en ce qui vous concerne : pauvreté de vos mots, indigence de vos rérérences, pauvreté de votre argumentation, indigence de votre intelligence.
Et si pour le Tao, même les crachats peuvent être beaux, j’avoue que là, j’ai du mal. Et je me joins à Eric pour vous dire, à ma façon : aboyez, aboyez encore, aboyez toujours, la caravane passe.
“Dame Bêtise”, de l’excellent Jacques Brel, vous connaissez ?
Yasmine
Rédigé par : Yasmine | 15 février 2009 à 13:58
"Axelle l'exquise gynécologue suisse
s'excite à fond la cuisse
dans l'inoxydable pénis de Maxwell"
C'est de Jacques Higelin. Quelle élocution il a ce Jack !
Allez... je file...
( et merci CP )
Rédigé par : Alistrid | 15 février 2009 à 14:28
Paroles Jacques Higelin Captain Dodecaphonique Dada
Radio Halifax
Kleenex, pénis, pubis, tampax
Salut les flasques! Planquez vos mandrax
Ici Cap'tain Dodécaphonique Dada
Bourgeon!
Radio bouche-trou, la voie du sexe
La solution des zazous d'la z.u.p.
Trois milliards 495 milles 293 mégahertz
Cap'tain Dada, en direct et hors taxe
De l'annexe du complexe prophylactique de Stax
Axe incantatoire... NUL
Hey les miasmes, ça écluse!
Cap'tain Dodécaphonique Dada DCD
Cap'tain Dodécaphonique Dada DCD
Spécial dernière info flash intox
Max
Le taxi taxicomane de Mexico
S'est fait taxer son tacot par Alex
La maxi-minimaliste de la Texaco-Sexy-Corporation
Tandis qu'à Dax
Siouxie Fix
L'excellente marxiste scato-sado-maso d'Oyonnax
malaxe ses excréments
Dans un mixeur en pyrex expensé d'Ajaccio
Radio bouche-trou, la voie du sexe
Trois milliards 495 milles 293 mégahertz
Mouchez les galaxies!
Reflex pantax telex
Face aux aztèques élastiques en latex de luxe
Exclus du Ku-Klux-Klan
Axelle
L'exquise gynécologue suisse
S'excite à fond la cuisse sur l'inoxydable pénis
De Maxwell
Le dissident dyslexique des sections d'exilés xénophobes
Ui astique son sax en onyx
Et s'extermine le pharynx dans le sphincter laxiste
Je répète
Le sphincter laxiste
Du sphynx
Relax!
+++
* La Croisade des Enfants
* Tombé du ciel
* Tom Bonbadilom
* Mamy
* Queue De Paon
* Champagne
* L'attentat A La Pudeur
* L'amour Sans Savoir Ce Que C'est
* J'suis Qu'un Grain De Poussiere
* Encore Une Journee D'foutue
(j'ai fait un copier coller) !
Rédigé par : Alistrid | 15 février 2009 à 14:35
"Le concombre fugitif est, sauf votre respect, un légume très méfiant et qui ne se laisse pas prendre facilement".
.......
"Explosif et baladeur, tel est ce diable de concombre.
Et de penser qu'il appartient à la famille, si placidement bourgeoise, si formellement sédentaire, des cornichons, voilà qui déconcerte les imaginations les plus hardies".
En quête de son concombre fugitif, le jardinier explore "coins et recoins", "trous et retrous" de son jardin...
"Pour ces cucurbitacées véloces, pourquoi ne pas construire un vaste cucumodrome".
Octave Mirbeau, "Le concombre fugitif".
Rédigé par : Anne B | 15 février 2009 à 16:06
Cher Frédéric Ferney,
Bravo pour votre blog mais ça ne nous suffit pas !
Nous sommes nombreux et nombreuses à regretter nos rendez vous du dimanche matin sur France 5. C'est pourquoi nous avons décidé avec quelques amis de créer une association, "Les Amis du Bateau Libre" afin de vous inciter à créer une nouvelle émition littéraire sur le Web dans le même esprit. Qu'en pensez vous ?
Répondez moi s'il vous plait, nous comptons sur vous.
Catherine V.
Rédigé par : catherine Vial | 15 février 2009 à 16:50
Une nouvelle émission littéraire, pardon!
Rédigé par : catherine Vial | 15 février 2009 à 16:53
Cher Frédéric,
J'avais écrit un truc, très élogieux à votre encontre, à la suite de votre superbe billet sur Genet ; et puis j'ai dû foiré quelque chose qui n'a pas plu au détecteur de robot, mon compliment a été pulvérisé en vol ! Pas grave, j'ai une âme de récidiviste. D'autant que la suggestion de Catherine V. et de ses amis me donne envie d'enfoncer son clou.
En deux mots, le dimanche matin, sur france5, vous étiez un compagnon de route, un flêcheur de parcours de lectures (et en disant ça, je pense aussi à toute votre équipe de chroniqueurs/chroniqueuses). Aujourd'hui, avec ce blog, et ce travail d'écriture que ce type de média impose, vous êtes devenu une sorte de guide, d'interprète bilingue (litéracie/réalité); les mots parlent aux mots, les livres aux livres. C'est une bibliothèque virtuelle mais tellement vivante, que vous êtes en train de construire sous nos yeux émerveillés et grands ouverts ! Une émission littéraire intégrée à ce blog... et oui bien sûr... Vous y pensez sérieusement ?
Cette fois, je vais m'appliquer, petit robot !
Rédigé par : Jean-Louis B. | 15 février 2009 à 18:15
LA PROFONDEUR DE L'ESCALADE
Les nomades ne farment pas
Sur leurs éperons d'argent
Que le vin de l'été
Nourrit au sein d'une vierge
Dont le feu allume
Des étincelles mordorées
Au coin des lèvres qui sourient
Quand Bob raconte
Les frasques de Baby Blue
Marocaine au voile pourpre
Et aux cigarettes opiacées
Qui dévergonde les séminaires
Dans un torrent de charmes
Où une bouche délicieuse murmure
Prend-moi
A l'étranger de passage
Dont les mains ouvertes
Ne connaissent de la caresse
Que le soyeux des hanches
Et le velours des courbes
Rédigé par : gmc | 15 février 2009 à 19:34
@Catherine. Comment rejoint-on votre association d'amis du bateau livre?
Rédigé par : ororea | 15 février 2009 à 20:47
L'idée d'une association "des amis du bateau libre " est excellente.
Merci de me dire comment faire pour adhérer.
Rédigé par : Laurence N | 16 février 2009 à 11:29