1er août
Retour d'Avignon. Juillet a flambé comme un diable enfonce sa queue dans la beauté des pierres. C'est le temps des amitiés, des brouilles secrètes, des retrouvailles. C'est intime et solaire, juillet en Avignon, c'est ce que je recherche éperdûment avec les auteurs que je reçois sur la Passerelle, au bord de l'eau. Je ne vous parle pas de ces nuits, à Boulbon ou ailleurs, sous ce ciel où le pape Benoît XII tailla sa mitre, constellée de lune et d'étoiles. Eternel débat: une émission littéraire, faut-il la faire dans la clarté d'un matin ou dans la sincérité du soir?
En juillet, j'aime que le Tour (de France) et le Festival (d'Avignon) soient contemporains. Ce sont des batailles. Il faut les suivre passionnément, au jour le jour, sinon on n'a aucun avis, aucune préférence, on ne fait que répéter les opinions des autres. Amusant: le commentaire goguenard de Danny Cohn-Bendit (je cite de mémoire): "Le meilleur, c'est Lance Armstrong! D'accord, d'accord, il s'est dopé jadis, mais comme ils se dopaient tous, c'est le meilleur!" Je le comprends, Cohn-Bendit, il admire la prouesse du plus âgé, arrivé troisième devant deux démons intouchables et qui ont l'âge ignoble où les cuisses sont en bronze. Des lièvres. Est-ce qu'on imagine un vieux lièvre?
Je n'aime pas quand c'est fini, le Festival, le Tour; ça signifie que les heures s'usent un peu, que l'été a mûri, bientôt il sera blet. Août pointe son nez, hyène sournoise, saison dure et sombre comme un ciel d'orage. Heureusement, l'automne suivra, forcément splendide et réparateur.
Je ne sais pourquoi, j'ai aimé ce 63e festival. Il est vrai que, cette fois, j'ai souvent rencontré les artistes (avec Arte) avant de découvrir leur travail, cela fausse peut-être le jugement, le modère, ce qui revient au même. Il y a en moi un critique fourbu, las de tirer l'épée hors du fourreau, et un spectateur encore vierge, qui ne craint plus d'être dupe s'il est ému, notamment par la primauté éclatante d'une forme. Ce qui compte, c'est l'attente. N'être ni blasé ni tiède, renaître, croire - aimer sans preuves, malgré les preuves.
A mon retour, j'ai trouvé une mer de livres, sagement empaquetés, devant ma porte. Je sais déjà trois auteurs que j'ai envie de recevoir à la rentrée: Pascal Quignard pour "La barque silencieuse" (Seuil), Marie N'Diaye pour "Trois femmes puissantes" (Gallimard), Colum McCann pour "Et que le vaste monde poursuive sa course folle" (Belfond). Avec Colum, je vous préviens, nous parlerons anglais...
Wéééééééééééééé, il est revenu! Et en plus, il parlera anglais!
Rédigé par : ororea | 01 août 2009 à 12:54
Je ne dirai pas vivement la rentrée, il faut laisser son temps au mois d'août, mais l'impatience est déjà là face à l'annonce d'une telle triade.
De belles images dans ce billet...
Rédigé par : la bacchante | 01 août 2009 à 13:34
Aimer sans preuve, malgré l'épreuve.
Rédigé par : Odile | 01 août 2009 à 13:35
Une émission en anglais, no problem ! du moment que la traduction est prévue pour la vidéo... :o))
Rédigé par : Claire Ogie | 01 août 2009 à 14:01
Un détail : moi je préfère quand c'est sous titré plutôt que doublé, on entend mieux l'anglais. Mais vous faites comme vous préférez...
Rédigé par : ororea | 01 août 2009 à 14:13
"Juillet a flambé comme un diable enfonce sa queue dans la beauté des pierres."
Belle expression (up)percutante!
Oui, que de belles images dans ce billet patiemment attendu.
Je rêverais d'avoir "une mer de livres" devant ma porte, je me contente d'une merde de mouette devant la mienne;-) Euh, pardon, c'est l'été... les mouettes sont rieuses.
Rédigé par : Ambre | 01 août 2009 à 21:55
Oui, c'est émaillé d'images surprenantes. Et puis la mer de livres devant la porte m'intrigue : personne les lui a piqués, il a du bol. Sa dulcinée aurait pu les rentrer : donc soit la dulcinée était aussi à Avignon (mais alors pourquoi passer ses aprem devant le tour de France - au lieu de euuh - ou alors elle est moche mais ça m'étonnerait) ou alors elle est retournée chez sa mère, ou alors il a plus de dulcinée (petit rappel : moi aussi chuis célibataire) Bon je vais essayer d'arrêter d'écrire des conneries et des poèmes gnangnans.
Rédigé par : ororea | 01 août 2009 à 22:56
"Le spectateur encore vierge", les aristes encore "vierges", c'est ça le plus important...
Cependant le mois d'août est brûlant, sa lumière aveuglante, c'est le mois des moissons, c'est le mois du "moi" sans repère, celui où les étoiles brillent sans répis, celui qui épuise la lumière, le mois qui semble n'appartenir à aucune saison
Rédigé par : Anne B | 01 août 2009 à 23:39
Oui, FF n'est pas du genre blasé, ça c'est bien. Il lui faut de la recherche, de la création de formes nouvelles."Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ? Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !" comme disait l'autre.
Moi j'ai rien contre le mois d'août, même que des fois on peut se baigner en Bretagne. C'est juste que pour une fan de FF, le mois d'août c'est la période creuse, je me suis acheté un petit échantilon de Bel ami de Hermes sur Ebay pour tenir le choc...
Rédigé par : ororea | 02 août 2009 à 00:06
Cher Frédéric,
je regrette infiniment de ne pouvoir suivre certaines de vos émissions dont le flux me parvient hâché. Est-ce normal ?
Bien à vous.
Rédigé par : hysope | 28 août 2009 à 06:59