29 décembre
LU : « Ramon » de Dominique Fernandez (Grasset).
Ce qui m’a toujours étonné chez Dominique Fernandez, c’est cette capacité de s’émouvoir sans jamais rien ressentir. Eh bien, pardon, j’ai changé d’avis, jm’a gouru, comme dirait Korkos, depuis que j’ai lu son dernier livre qui semble une somme (plus de 8OO pages) et qui n’est peut-être qu’une préface. A la fois une sorte de baptême noir et de frais testament appelant une apostille. C’est aussi son ouvrage le plus secret, le plus sincère, et il me semble, le plus follement romanesque.
Dans « Ramon », l’auteur questionne l’abîme de la question du père sur le mode amusé et tragique, qui est son style. Et si toutes les Italies, tous les ornements romantiques et baroques de Dominique Fernandez, toutes ces formes, toutes ces peintures, n’étaient qu’une métonymie du père ? Peu à peu, la question devient grave.
Aimer, admirer son père, c’est normal. Pour lui, c’était interdit, par la vigilance des femmes. Aujourd’hui, il recrache enfin cette pierre qu’il avait sur le cœur : « Je suis né de ce traître, il m’a légué son nom, son œuvre, sa honte ». Ce que j’aime dans ce pavé sur le cœur : après tant d’insomnies, tant de pages, le mystère de « Ramon » demeure intact. Une énigme. Le fils ne parvient pas à s’expliquer comment on peut être à la fois un intellectuel, un lettré, capable d’improviser en anglais une conférence sur le comique chez Molière, d’animer une décade de Pontigny sur l’esthétique baroque, d’initier malgré leurs réticences Paul Valéry et Mauriac au tango. Et puis surtout, Ramon Fernandez fut successivement : socialiste à 31 ans (inscrit à la SFIO
Comme si la question : « Mon père était-il un homosexuel ? » avait pu figurer hardiment sur la bande de promotion du livre. Mais est-ce si simple ? Une meilleure clef est à mon avis celle-ci : « Sa volonté était bien inférieure à son intelligence ». Une sorte d’éternel enfant en somme. On sent Fernandez un peu effaré par ce dandy dévoyé, fasciste en tweed, mi-Commandeur mi-Dom Juan, et qui roule en Bugatti comme Montaigne allait à cheval. Mais ce qui suscite le trouble du fils, c’est, peut-être pire encore, la beauté du père. Contemplant une photo de lui sur son lit de mort, l’auteur note : « cheveux noirs plaqués en arrière, pâleur, élégance, la beauté masculine dans ce qu’elle peut avoir de plus fin ». C’est tout ce qu’il admire, Fernandez, lui qui parle le romain au subjonctif et le grec avec un fort accent napolitain. La beauté d’un père saurait-elle mentir ?...
Fernandez vomit tout ce qu’il représente, il en a honte depuis l’adolescence ; il exècre les idées de son père mais il envie ses goûts. Ce qui est beau, c’est qu’il refait le procès de son père comme si c’était le sien. A mon avis, il ne peut en rester là, il fera appel !
Merci vous m'avez donné envie de le lire.
Traiter huit cents pages de possible préface c'est gonflé !
Rédigé par : Loïs de Murphy | 29 décembre 2008 à 08:51
Toujours passionnante et ô combien délicate, brûlante, complexe, que cette question du rapport au père. Et il semble bien, d'après ce billet de lecture, que Fernandez l'aborde de front. J'irai y voir de plus près, sans aucun doute.
Rédigé par : Franck Bellucci | 29 décembre 2008 à 10:00
FANTAISIE VAGABONDE
Le papier peint des prétextes
Se décolle à la nitroglycérine
Ou à la rasade de napalm
Image amoureuse d'une image
Pas d'iconoclasmie en vue
Rien d'incolore sous la dent
Les ouvrages sérieux laissent
Des preuves sans traces
Sur les marées de jaspe
Ou les faisceaux de silicium
Rédigé par : gmc | 29 décembre 2008 à 17:29
Arfff... j'étais donc en train de lire le texte au sujet de Nizon et puiff ! envolé d'un seul coup. C'est vrai que nous ne sommes pas encore au 1er janvier... Ah les aléas de l'informatique... (rires)
Rédigé par : Claire | 29 décembre 2008 à 19:18
Ecrire sur "ce père" que de souvenirs douloureux !
Je ne connais Dominique Fernandez qu'en Amoureux de l'Italie, pas en homme blessé.
C'est vrai toutes ces pages ne doivent pas être suffisantes, en a t-il extirpé le mal ?
Moi aussi j'ai envie de lire "Ramon".
A.
Rédigé par : Anne B | 30 décembre 2008 à 01:07
"La Course à l'abîme" m'avait déjà donné à lire les souffrances d'une âme blessée.
Voilà maintenant celles de son auteur.
Y voir un lien est-il réducteur?
Lecture tentante ...
Amitié
Arthi
Rédigé par : Arthémisia | 30 décembre 2008 à 16:13
Il me semble que "Ramon" est un livre plus sec, plus froid (malgré l'enjeu affectif), plus dépouillé (malgré des 800 pages) que les précédents. Un des attraits du livre, c'est de voir comment vivaient les écrivains dans l'entre-deux-guerres. Beaucoup plus joyeusement et plus librement qu'aujourd'hui!
F.F.
Rédigé par : Frederic ferney | 30 décembre 2008 à 19:06